Vers une nostalgie de l'âge d'or?
- Véronique Ghidalia (Actu J))
- 27 août 2014
- 2 min de lecture

«Quartier juif» (Haret el-Yahoud) : quand une série égyptienne évoque l’âge d’or des communautés musulmane, juive et chrétienne.
Diffusée pendant Ramadan, sur Al Hayah tv, cette série prend le contrepied de la catéchèse de feuillletons antisémites égyptiens tels Cavalier sans monture, rediffusé par une autre chaîne Al-Tahrir. Dans « Quartier juif », le scénariste Madhat Al Adl campe une histoire d’amour sur fond de tension de panarabisme nassérien et la création d’Israël, de 1948 à 1954 entre Ali, officier de l’armée égyptienne et Laila, une jeune fille juive. Interviewé par le quotidien égyptien al-Masry al-Youm, Medhat al-Adl assume : « La série ne traite pas seulement des Juifs, mais d’un quartier égyptien connu comme le quartier juif, où les Musulmans, les Chrétiens et les Juifs ont vécu ensemble […] On n’a jamais dit ‘’celui-ci est un Chrétien ou un Musulman ou un Juif’ ; ils étaient tous Égyptiens. Par conséquent, nous devons pas appeler les Juifs autrement qu’Égyptiens ».
« Nous sommes fiers de voir une série arabe qui brosse un portrait humain des juifs, félicitations ! » (Ambassade d’Israël en Egypte)
Plus fort, les frères musulmans sont ici les méchants, campés dans de violentes incitations à la haine, au nom du Coran. Et Medhat al-Adl d’opérer un rapprochement ou raccourci historique selon, entre le 23 juillet 1952 coup d’état des officiers libres dirigé par Mohammed Naguib et Gamal Abdel Nasser, et le 25 janvier 2011 inaugurant le printemps arabe, deux hauts lieux d’une quête de liberté contrée à 40 ans d’écart par les Frères musulmans. La lutte du Général Sissi contre ces derniers, des répliques telles «comment notre voisin juif aurait pu expulser des Palestiniens de leurs maisons alors qu’il n’a pas bougé d’ici ?» s’inviteraient-elles désormais sur le petit écran égyptien pour proposer aux nouvelles générations de lever le voile sur un autre champ du possible, celui d’un âge d’or enfoui sous des chappes de haine, faisant fi des amalgames proférés par les islamistes? « Nous avons vu les premiers épisodes de la série, et nous sommes fiers de voir une série arabe qui brosse un portrait humain des juifs, félicitations ! » a salué l’ambassade d’Israël en Egypte sur son compte facebook - avant de se raviser au regard des clichés antisionistes d'épisodes suivants. Les chaînes du Qatar ne diffuseront pas la série jugée trop favorable à Israël. Les critiques cinématographiques égyptiens ont loué le courage politique du scénariste, « essentiel dans notre période actuelle » pour la journaliste Ola al-Shafi du quotidien Al-Youm as-Sabi... Si l'unanimité n'est pas de mise, malgré erreurs historiques et vision idyllique du quartier juif où l'opulence n'était pas le lot de tous, ce feuilleton a cependant le mérite de militer pour la tolérance intérieure dans un pays géopolitiquement majeur sur l'échiquier régional.
Visible sur daily motion
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