Don't be my e-boulet!
- Véronique Ghidalia
- 17 févr. 2016
- 4 min de lecture

Paula Haddad : « Le Web ? Un vivier de candidats inquiétants, les e-boulets ! » (Actu J n° 1379 - 18.02.2016)
Dans ce kit de survie, drôle et pragmatique, basé sur son expérience et celle d’autres femmes, Paula Haddad décode sans état d’âme profils, pseudos et pièges des sites de rencontres.
Actu J : Comment est né ce guide ?
Paula Haddad : Il y a une dizaine d’années, j’ai découvert le monde particulier d’Internet, celui du décalage entre contact virtuel et rencontre réelle. D’où l’immense désillusion possible. J’ai accumulé une série de rendez-vous pour le moins bizarres, et j’ai eu le sentiment qu’il y avait quelque chose à écrire, toujours avec humour car c’est l’unique façon de supporter ce qui apparaît alors comme une suite d’échecs. D’où l’envie de transmettre mon expérience assortie de dessins qui renforcent la dimension humoristique.
A.J. : Ces sites de rencontres sont-ils un univers glamour mais impitoyable ?
P.H. : Le glamour est là les premiers temps, quand on reçoit dix messages à la minute. Cela regonfle l’ego et l’espoir, donne le sentiment que les possibilités sont infinies. On se sent portée par opposition au quotidien où jamais cinquante hommes ne vous sourient en même temps ! Rapidement, l’excitation des débuts fait place à cet univers impitoyable qui peut vous user, si on y consacre trop de temps comme dans la recherche d’un job.
A.J. : Vous décryptez les techniques marketing des sites, algorithmes et tests d’affinités pour cibler les profils idéaux. N’induit-on pas dès l’origine des relations erronées ?
P.H. : Oui, je ne crois guère à ce système comme je l’écris dans la rubrique « Love Computer ». Vous cochez « j’aime les penne quatre fromages », lui aussi : bingo ! Une histoire d’amour est née ! Certains y voient peut-être une première sélection avant de poursuivre le dialogue. Ces rencontres reposent sur le principe de deux profils reliés, d’où le titre. D’ailleurs, un dessin du livre montre deux ordinateurs connectés, non des humains.
A.J. : Peut-on encore parler de « rencontre » ?
P.H. : Je n’ai pas une vision si sombre de la question car j’ai aussi fait de belles rencontres, avec des gens « normaux » et intéressants sans pour autant que cela induise un couple.
A.J. : Vous décodez discours, pseudos et profils. Que révèle ce langage si particulier ?
P.H. : J’ai fait mon mémoire de lettres en stylistique, ici dans un autre registre, analyser le langage est surtout prétexte à l’humour. Choisir pour pseudo Turlucucul, Entrejambe ou Memyself est quand même révélateur ! Quant au premier contact, il va de l’abréviation « Slt (Salut) » au simple « flash » pour dire bonjour. L’économie verbale est un subterfuge, une paresse quand vous n’obtenez jamais de réponse à un vrai message « rédigé ». Parfois, certains messages agressifs sans fondement, révèlent bien plus : une frustration.
A.J. : On rit beaucoup. Quelles sont vos histoires de rencontres préférées ?
P.H. : L’une d’entre elles en dit long sur la question majeure de l’apparence physique. Un homme qui ne supporte pas les femmes enrobées, arrive lui-même avec ses kilos et dispense des conseils de diététique du style « Tu ne devrais pas boire un soda, c’est bourré de sucre ! » Réjouissant ! Il y a celui qui détourne les codes du premier rendez-vous et propose de marcher sans cesse : une façon d’échapper à la rencontre, de ne pas voir l’autre. Il y a celui qui vous plante pour garder son chien malade, celui qui devient muet sauf quand il s’agit de vous demander de régler l’addition… Et bien d’autres encore !
A.J. : Peut-on encore parler d’investissement personnel ?
P.H. : Chez le psy, le paiement détermine aussi l’implication. Ici, on peut être de passage sans volonté particulière, simplement pour voir s’il y a de la lumière et regarder des photos qui défilent... La motivation doit apparaître à tout moment, dans l’abonnement que l’on choisit pour communiquer, le message, la tenue ou ce que l’on donne de soi au café.
A.J. : Des retours masculins à ce livre ?
P.H. : Je n’ai pas encore de nouvelles d’un e-boulet. Mais j’espère que grâce au livre certains d’entre eux iront désormais aux rendez-vous…sans leur vieux pull qui bouloche.
LE LIVRE
Regard amusé sur les rencontres du net

Paula Haddad passe en revue les sites de rencontres qui, par la magie du clic - et des claques qui suivent - révèlent parfois être des boîtes de Pandore. Sans précaution oratoire, elle dresse un véritable bestiaire des grandes espèces de prédateurs qui sévissent sur le Net. Modalités de présentation, alibis pour s'éclipser, profils fantasmés, pathologies, photos qui tuent… Rien n'échappe à son clavier aussi impitoyable que ces chasseurs virtuels dont les dégâts sont bien réels. Pour le meilleur et pour le rire.
J’ai liké ton profil…et j’aurais pas dû – sites de rencontres : le kit de survie
Paula Haddad, illustrations de Joëlle Passeron, éditions Archipoche, 6 €
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