LA CORSE : JUSTE UNE ÎLE OU ÎLE DE JUSTES ?

C’est un documentaire aussi étonnant que remarquable qu’ André et Clémentine Campana ont réalisé sur la Corse aux heures les plus sombres du second conflit mondial. Une exemplarité telle qu’ elle pose la question: la Corse peut-elle prétendre au statut d’île de Justes parmi les nations, selon les critères de Yad Vashem Israël ?

En consultant la liste des Juifs corses déportés, Serge Klarsfeld découvre qu’aucun Juif corse de fut déporté sauf peut-être « un accidentellement »! De cette anomalie et des éléments étonnants découverts par un jeune professeur d’histoire Louis Luciani, à l’occasion de la préparation avec ses élèves du Concours National de la Résistance en 2008, est né ce documentaire.

On apprend ainsi que c’est grâce à un véritable système comprenant population, préfet et administration érigé en contrepied aux mesures scélérates du régime de Vichy que les Corses ont sauvé leurs Juifs et les Juifs étrangers visés dès 1942. Exceptionnelle, cette prise de risques ? «Ce n’était pas la même que sur le continent. Et puis c’était normal. Avec le persécuté, on ne discute pas : on l’aide. On ne lui demande pas comment il s’appelle » livrent spontanément les témoins Corses, presque offusqués de la question. On découvre aussi que « les Corses ont toujours eu un préjugé favorable aux Juifs, par opposition aux Grecs pour lesquels trente ans ont été nécessaires pour que se calment les tensions » précise A. Campana. Et le Grand rabbin Haïm Korsia, aumônier général israélite des armées d’ajouter : « Dans leur ensemble, les Corses ont considéré que c’était une partie d’eux-mêmes que l’on touchait. C’est une tradition en Corse que l’on accueille les Juifs et ce qui s’est passé pendant la guerre n’est que la conséquence d’une relation ancestrale ».

" Pascal Paoli et Napoléon ont fait des propositions de citoyenneté

pleine et entière aux Juifs " André Campana

Et de rappeler l’assimilation réussie des juifs « Marranes » du 16ème siècle, parmi lesquels on trouve des noms célèbres en Corse tels Zuccarelli, Giacobbi, Siméoni . « Pascal Paoli et Napoléon ont fait des propositions de citoyenneté pleine et entière aux Juifs, ce qui valut un débat violent entre Napoléon et le tsar qui ne supportait pas ce statut d’égalité octroyé aux Juifs » précise A. Campana, sans compter en 1915 l’accueil des Juifs syriens expulsés par les Turcs.

La rigueur des réalisateurs est celle des mastodontes du PAF : lui, co-créateur de l’émission A Armes Egales, Grand reporter, distingué par le Lion d’argent au festival de Berlin. Elle, a participé notamment sur M6 à Capital, Zone interdite et aussi Vie Privée, Vie Publique. Cette enquête « objective dans l’information et la documentation », insiste André Campana, n’élude aucune polémique entre témoins et historiens, les pour et les contre. A son issue, la Corse mérite un peu plus son surnom d’île de beauté…

A voir absolument.

La Corse, île des Justes ? d’André et Clémentine Campana, 52 mn,